Parole d'expert - Le bien-être à l'école, avec Caroline Cavroy
Ecoutez l'entretien ici !
Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Caroline pour parler d'un sujet essentiel dans nos vies et qui commence à faire sa place à l'école pour le plus grand bonheur de nos enfants. Nous allons parler du bien-être, de la bienveillance et du bonheur dans nos classes.
Bonjour Caroline. Pour commencer, peux-tu nous dire qui tu es en quelques mots et comment tu es arrivée à cette belle vocation ?
Je m'appelle Caroline, je suis thérapeute familiale et j'interviens de façon indépendante en milieu scolaire, pour une association appelée « Les maltraitances, moi j'en parle ». J'interviens sur la sensibilisation auprès des enfants sur tout ce qui est bien-être, bienveillance envers eux-mêmes et envers les autres.
Pourquoi est-il est important pour toi de parler du bien-être à l'école ? Qu'est-ce que cela apporte en classe ?
La première étape, qui est très intéressante, est de demander aux enfants ce qu'ils entendent par bien-être et bienveillance. Qu'ils s'interrogent sur leurs propres définitions, qu’ils apprennent à bien connaître ce qui se passe dans leur cœur, dans leur corps. Et on se rend compte qu'il y a des superbes pépites. Les enfants sont incroyables ! Quand on ouvre la porte et quand on leur demande de parler de ces notions, ils ont plein de choses à dire ! C'est peut-être aussi à ce moment qu’ils se permettent de se dire des choses qu’ils ne se diraient pas naturellement. Il est aussi important de leur expliquer que ces notions ne sont pas tabous. On a le droit de dire des compliments à quelqu'un. On a le droit de se dire à soi-même de belles choses et c'est vrai qu’une partie de mes interventions consiste tout d’abord à se faire un compliment à soi-même. Je me suis rendu compte que les enfants n'en ont pas du tout l'habitude. Et c'est dommage parce que cela fait partie de l'estime et de la confiance en soi. Pour avoir confiance aux autres, il faut déjà avoir confiance en soi. C'est déjà une très bonne première étape.
Donc l'école est bien un lieu où on peut aborder ces questions, parce que c'est aussi l'école de la vie ?
Complètement. C'est effectivement le lieu des apprentissages ! Notre histoire, le français, les mathématiques… et toutes les choses qui vont faire de l’élève l'adulte de demain. Il reste avant tout une personne, avec des émotions et qui vit avec les autres. Apprendre à gérer ces émotions envers soi et avec les autres, cela fait partie des apprentissages essentiels. Donc effectivement, on parle de « l'école de la vie ».
Est-ce que le bien-être est un sujet dont on peut parler à tous les niveaux de classe ? Y-a-t-il des âges plus propices pour aborder le sujet ou peut-être peut-on l'aborder différemment en fonction de l'âge des enfants ?
Effectivement, on l’aborde différemment en fonction de l'âge. Je pense qu'il y a pas d'âge pour parler de ces notions. Dès tout-petits, les enfants sont extrêmement réceptifs. Et plus on « libère la parole » sur ces émotions, sur le bien-être, sur la bienveillance ; plus cela devient un automatisme ; et plus l'enfant est capable de s'autoriser à parler de ses émotions plus tard. C'est vraiment quelque chose qui monte crescendo.
Peux-tu nous expliquer plus concrètement comment se passent tes interventions en classe ?
Personnellement, j'interviens pour l’association « Les maltraitances moi j’en parle » du CE2 à la 5ème. A partir de 8 ans, âge où ils sont en capacité de raisonner plus profondément, jusqu’à la première partie du collège. L'intervention se déroule sur 1h30 et l'idée est tout d’abord d’interroger les élèves sur leurs définitions de la bienveillance, de l'empathie, des émotions. Qu'est-ce qu'une émotion par exemple ? Comment se traduit-elle dans son corps, dans son cœur, dans sa tête ? Puis je vais leur fait faire des exercices pratiques pour gérer une émotion, notamment grâce à la respiration. On va aussi un petit peu plus loin à l’aide d’une petite méditation guidée. L’objectif est de leur donner des clés pour pouvoir s'apaiser ou quand une émotion est trop forte. On aborde également le concept de toucher bienveillant et de consentement, toujours en les questionnant et avec des exercices pratiques. Aussi, on définit ensemble ce qu’est un compliment, une qualité. Ils se font un compliment à eux-mêmes, puis aux autres. Ils vont ainsi se dire des « gentillesses » entre eux. Il est assez intéressant de constater qu’au début, les enfants sont un peu sur la réserve et qu’au bout de quelques temps, ils ont envie de parler, de communiquer, de faire du bien aux autres. Mais j'appuie vraiment sur la priorité de se faire du bien à soi, pour ensuite faire du bien aux autres.
Cela rejoint d'ailleurs un projet qui a été réalisé en classe par Syndie et ses élèves de CP , avec Calamagui. Voici le lien pour consulter ce petit bijou qu’est « Les super héros de la classe ».
J'imagine que ce travail autour des émotions peut parfois faire remonter un certain malaise chez des enfants vivant des situations compliquées. Peux-tu nous dire comment gérer une telle situation en classe, lorsque cela arrive ?
Oui, cela m'est déjà arrivé. À la suite d'une intervention en 6ème, une jeune fille est venue me voir à la fin de la séance pour m'expliquer qu’elle se sentait très seule que l’intervention avait fait remonter des choses en elle. Si nos enseignants sont confrontés à ce type de situation, l’important dans un premier temps est tout simplement d'accueillir les paroles de l’enfant qui se livre et partage son mal-être. C'est déjà une belle preuve de confiance envers l’adulte. Donc premièrement, accueillir : « OK, je t’écoute. Lâche, « vide » tout ce que tu as besoin de vider ». L'idée n'est pas de trouver une solution tout de suite parce qu'on est parfois démuni.e. On n'a pas de solution. Et on ne connait pas forcément l’histoire de l’enfant, notamment en tant qu’intervenante ponctuelle. De mon côté, je fais le lien avec le/la maitre.sse, lui partage ce que l’enfant bien voulu partager et lui explique quelles sont les démarches par la suite. Je pense aussi qu’il est important que l'enseignant.e puisse en parler aux parents, avec l'autorisation de l'enfant bien sûr. Les parents ont un rôle important à jouer. Il faut qu’ils soient informés qu’il y a eu une intervention, un travail sur les émotions à l'école et qu’il est possible que cela fasse remonter des choses : peut-être un sentiment de malaise ou au contraire un sentiment d'euphorie. Ça peut être dans les deux sens. Qu’un enfant n'arrive pas à canaliser ce trop plein d'émotions n’est pas forcément négatif. Et je pense qu'il est important qu’il y ait un relai à la maison, que les parents puissent se sentir libres de réaborder ce qui a été vu en classe.
Voilà, l’essentiel c'est vraiment d’accueillir puis de pouvoir en parler avec les parents pour que l'enfant puisse aussi en parler librement à la maison.
As-tu des conseils pratiques à donner à un.e enseignant.e qui aimerait développer le sujet du bien-être dans sa classe, en toute autonomie, si elle/il n’a pas la chance d’être accompagné.e par un intervenant extérieur ?
Commencer tout simplement par parler des émotions en général, des émotions primaires. Leur demander « Qu'est-ce qu'une émotion ? La joie, la peur, la tristesse, l'amour.. ? » Je pense qu’il ne faut pas avoir peur de leur demander leur avis. Rien que ça, c'est déjà bien ! Ils apprécient et ils sont toujours plein de réponses. Cela change aussi de leur quotidien de travail.
Puis peut-être travailler sur l'empathie : « Qu'est-ce que l'empathie ? ». Leur proposer des jeux de rôle. Cela fonctionne assez bien de mettre en situation la joie, la tristesse… visuellement. Quand on voit un enfant pleurer, on comprend tout de suite ce que l’autre ressent, c'est un langage universel. Puis demander à l'autre l’enfant : « OK, tu vois ton copain pleurer. Qu'est-ce que tu peux faire pour l'aider ? » Ou « Qu'est-ce que ça génère chez toi ? ».
Cela peut aussi être des jeux de mime. C'est aussi un bon début pour créer de l'empathie et parler plus librement et facilement des émotions.
Pour finir, Calamagui a réalisé un micro trottoir auprès d’enfants pour qu'ils nous racontent leur vision du bonheur. J’aimerais te poser la même question qu’aux enfants : Caroline, pour toi, c’est quoi le bonheur ?
Le bonheur, de manière empirique, c’est d’avoir conscience des choses qui nous font du bien. Quelles sont ces choses qui me font du bien ? Je pense que je vais être très claire et simple : c'est partager du bon temps avec ma famille et mes amis. Ne pas penser à demain, vraiment profiter de l'instant présent et des gens que j'aime, des gens qui me font du bien, des gens à qui je peux faire du bien. Voilà, je pense que c'est ça le bonheur finalement. Ne pas se poser la question et vivre un moment sympa, voilà !
Merci beaucoup Caroline !
Et si vous souhaitez conserver une trace du travail réalisé sur le sujet, pourquoi ne pas en faire un livre Calamagui ! Découvrez ici les exemples de projets réalisés par vos collègues enseigant.e.s en classe !